Débuter la narration

Carl Larsson - 3
L’étude, Carl Larsson, 1919

J’ai déjà écrit au sujet de la narration. Mais afin de répondre à plusieurs questions concernant cette discipline « masonienne », je vais essayer de la présenter de façon simple et concrète dans ce billet pour aider ceux qui débutent avec la narration, ou du moins c’est ce que j’espère… Si ce billet appelle d’autres questions, n’hésitez pas à me les communiquer en commentaire.

La narration est naturelle chez l’enfant. Quand son papa rentre le soir et qu’il lui raconte un évènement qu’il a vécu durant la journée, ou un album que vous lui avez lu, il fait une narration. Quand il vous raconte sa balade avec mamie, c’est une narration. L’enfant raconte un événement, une histoire, quelque chose qui l’a marqué avec ses propres mots. Dans la pédagogie Charlotte Mason, nous nous servons de ce même mécanisme pour instruire l’enfant. Plus exactement, l’enfant va s’instruire en narrant!

Ca parait tout bête, non? Hors, lorsque l’enfant doit exercer cette tendance naturelle sur commande, cela devient un exercice exigeant demandant beaucoup d’attention…

Concrètement, comment m’y prendre?

Il est plus facile de commencer les narrations avec des textes courts. Pour illustrer la marche à suivre pour pratiquer la narration au niveau débutant, je vous propose de prendre comme exemple un conte très court des frères Grimm: La douce bouillie.

Il était une fois une pieuse et pauvre fille qui vivait seule avec sa mère. Leur misère était devenue si grande qu’elles se voyaient sur le point de mourir de faim. La fillette s’en alla dans la forêt, où elle ne tarda pas à rencontre une vieille femme qui connaissait sa misère, et qui lui fit cadeau d’un petit pot, bien précieux vraiment. // Il suffisait de dire ces trois mots: « Petit pot, cuis ! », pour qu’il vous cuise une excellente et douce bouillie de millet ; et quand on lui disait. « Petit pot, cesse ! », il s’arrêtait aussitôt de faire la bouillie. // La fillette s’empressa de rapporter le pot chez sa mère, et c’en fut terminé pour elles et de la pauvreté et de la faim, car elles mangeaient de la bonne bouillie aussi souvent et tout autant qu’elles le voulaient. //

Il arriva qu’un jour la jeune fille dut sortir. Pendant son absence la mère eut faim, et se hâta de dire : « Petit pot, cuis ! » Alors il cuisina, et la mère mangea jusqu’à n’avoir plus faim ; elle voulait maintenant que le petit pot s’arrêtât, mais par malheur elle ignorait les mots qu’il fallait prononcer pour cela. // Maître petit pot continua donc de cuire toujours plus et plus fort si bien que la bouillie déborda ; et il continua, et la bouillie envahit la cuisine, la remplit, envahit la maison, puis la maison voisine, puis la rue, continuant toujours et continuant encore comme si le monde entier devait se remplir de bouillie que personne n’eût plus faim. // Oui, mais alors commence la tragédie, et personne ne sait comment y remédier. La rue entière, les autres rues, tout est plein ; et quand il ne reste plus, en tout et pour tout, qu’une seule maison qui ne soit pas remplie, la fillette rentre à la maison et s’écrie tout simplement. « Petit pot, cesse ! » Aussitôt il s’arrête et ne répand plus de bouillie. Mais celui qui voulait rentrer en ville, il lui fallait manger son chemin.

Plus votre enfant sera jeune et/ou inexpérimenté dans cet exercice, plus il vous faudra morceler le texte. Les // vous indiquent comment j’aurais procédé pour un enfant débutant. Avec le temps, on augmentera progressivement la longueur des passages à narrer. Par exemple un paragraphe à la fois, puis deux, jusqu’au chapitre entier, s’il n’est pas excessivement long… Ne vous précipitez pas, c’est un processus volontairement lent.

Lisez un passage ou le texte à votre enfant, une seule fois! Il n’est pas important de s’avoir s’il a compris tous les mots, encore moins s’il ne vous a pas posé de question. Arrêtez-vous et demandez lui de vous raconter ce que vous venez de lire. Ne l’interrompez pas, ne le corrigez pas! Tournez toute votre attention vers lui, soyez encourageant et écoutez-le. Si vous morcelez le texte, continuez ainsi jusqu’à la fin de l’histoire.

Ce n’est qu’une fois que votre enfant aura terminé sa narration que vous pourrez intervenir pour soit faire une correction, ou élucider un élément qu’il a clairement mal compris. Il n’est jamais bon de poser des questions directes de compréhension du texte, efforcez-vous plutôt de faire réfléchir et parler l’enfant en lui posant des questions ouvertes!

En fin de narration, vous pourrez aussi entamer une discussion sur ce qui vient d’être lu, afin de faire ressortir une morale ou les points importants de votre lecture.

J’ai plusieurs enfants, comment faire?

Si vous lisez l’histoire à une fratrie, tous les enfants écoutent ensemble. Les enfants de moins de six ans ne sont pas tenu de pratiquer la narration, mais vous remarquerez qu’ils auront souvent rapidement envie de participer aussi.

Après chaque lecture, désignez l’enfant qui devra faire la narration du passage qui vient d’être lu. Les autres écoutent. Une fois que l’enfant désigné aura fini, demandez aux autres s’ils ont quelque chose à rajouter à ce qui a été dit. Ou alors, commencez par le plus jeune enfant et demandez aux suivants de chacun contribuer quelque chose à la narration. Une fois que celle-ci est complète, vous pourrez posez une question ouverte plus difficile aux « grands » de plus de dix ans, à laquelle ils devrons répondre à l’oral ou à l’écrit. Vous pourriez aussi garder les plus jeunes avec vous pour écouter leurs narrations, tandis que les grands vont directement écrire les leurs…

On peut imaginer ainsi des rituels à mettre en place selon le nombre d’enfants auxquels on s’adresse (même une classe entière). Les enfants ne savent jamais à l’avance qui sera désigné et devrons ainsi tous être attentifs! L’un pourrait commencer à narrer, jusqu’à ce que vous l’arrêtiez. Il devra alors désigner le suivant (pourquoi pas en lui passant un objet tel un bâton de parole) qui devra poursuivre la narration, et ainsi de suite…

Mon enfant ne sait pas quoi dire!

Dans tout les cas, montrez-vous patient et compréhensif avec l’enfant qui doit faire une narration. Peut-être ne comprends-t-il pas bien ce que l’on attend de lui? Peut-être a-t-il peur de mal faire? Modelez ce qu’il doit faire en débutant vous même une narration, puis invitez le à éventuellement vous corriger ou compléter ce que vous avez raconté. S’il se montre hesitant, tendez-lui quelques perches: « La fillette a reçu un petit pot, que c’est-t-il passé ensuite? », « Pourquoi ce petit pot est-il précieux? »…

Dans un premier temps il ne dira peut-être pas grand chose. Il gigotera, perdra le fil, bafouera, et son discours sera plein de « bin en fait », « et puis… ».  Laissez le faire et dire, le temps qu’il devienne plus à l’aise avec cet exercice. Petit à petit vous pourrez corriger et améliorer tout en douceur la forme et le contenu de ses narrations.

Les enfants plus âgés pourront également faire leur lecture en autonomie une fois l’exercice assimilé, et venir vers vous une fois terminé pour faire leur narration.

Ces narrations « de base » sont idéales pour des œuvres littéraires, le contes etc. Elles sont réservées aux livres que vous aurez sélectionné pour les temps d’instruction, il n’y a pas de narrations durant les lectures offertes. L’exercice pourra ensuite servir pour articuler une leçon à la Charlotte Mason tel que décrit ici.

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